Synthèse de la réunion du 6 février 2024, sur la fin de vie

avec la cellule de veille bioéthique du diocèse d’Angers au centre pastoral de la paroisse Notre Dame d’Evre à Beaupréau

Près d’une centaine de personnes étaient présentes ce jour-là. Dès le début, une grande attention à la parole de la cellule de veille bioéthique fut très palpable. Trois de ses représentantes animaient. La réunion fut partagée entre une présentation de la situation actuelle, puis des partages par petits groupes, et enfin une synthèse collective. Les échanges furent profonds. Un temps de prière à l’Esprit Saint avait ouvert la réunion et elle fut conclue par un chant d’action de grâce à la Parole de Dieu.

Voici la synthèse de cette réunion :

1- Penser la fin de vie : les enjeux actuels et les repères chrétiens.

Aujourd’hui l’allongement de la vie entraîne un accompagnement de la fin de vie plus longtemps. Des questionnements émergent. Quelle place a la mort dans notre société ? Quelle place doivent avoir la médecine  ? Quelles conséquences sur le coût des soins ?
Des questions éthiques nouvelles se posent, avec des réponses différentes. Une inquiétude grandit sur la fin de vie, pour nous-mêmes et pour nos proches, pour la société tout entière. Comment serons-nous accompagnés ? Serons-nous respectés dans notre « dignité d’être humains ? »

Parce que la valeur des mots n’est pas toujours la même pour tous, il est nécessaire de revenir sur leur sens :

les soins palliatifs : « ce sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. » Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. Cette pratique ne cesse de progresser comme toutes les branches de la médecine. Elle est respectueuse de la personnalité de chacun.

En Maine et loire dix centres de soins palliatifs existent (hôpital ou à domicile) Mais tous les départements français n’en bénéficient pas.

L’Eglise est très favorable à cette façon d’accompagner la fin de vie : elle le confirme dans la lettre « Samaritanus bonus » (le Bon Samaritain) : prendre soin du prochain, expérience vivante du Christ souffrant, lumière pour les chrétiens) ; valeur sacrée de la vie à tous ses stades et quels que soient le handicap ou la maladie. Pratiquer la vraie compassion ( je souffre avec celui qui souffre).

L’euthanasie : « acte d’un tiers qui met délibérément fin à la vie d’une personne dans l’intention de mettre un terme à une situation qu’elle juge insupportable » (CCNE) Cet acte prend en compte l’intention de donner la mort, d’utiliser un moyen létal, de soulager radicalement la souffrance, de l’incurabilité et de la gravité de la maladie, du caractère volontaire du malade. Elle se situe donc au niveau des intentions et des moyens utilisés ».

Le suicide assisté : « elle consiste à donner à une personne les moyens de se suicider elle-même ». Aujourd’hui, le suicide est un fait et non un droit. Si une loi le légalisait, les soignants devraient aider à la mort, et en cas de résistance de la personne qui l’a demandé, ill faudrait que le soignant participe lui-même activement, c’est ce qui a été appelé « le secourisme à l’envers ».

La légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté existe déjà au Canada, en Belgique et en Suisse.
Au Québec on appelle l’euthanasie : « aide médicale à mourir », et le personnel de santé est formé pour cela ; en Suisse on appelle le suicide assisté : « assistance au suicide ou mort volontaire ». Dans tous ces pays, sont constatés des excès, des extrapolations de la loi. Au Canada on aide à mourir des personnes qui ont des difficultés économiques...en Suisse on euthanasie des personnes qui ne veulent plus vivre alors qu’elles ne sont pas malades, soit dans des camions, soit dans des centres construits dans des zones industrielles. En Belgique on euthanasie des enfants...

2- les nouveaux projets en France : où en est-on ?

La loi Léonetti de 2005 renforce les droits des patients et les protège du risque d’être assujettis aux choix du seul médecin quand il n’y a plus d’espoir de guérison. Elle oblige à mettre en oeuvre tous les moyens médicaux pour soulager la douleur, elle interdit l’euthanasie, l’obstination déraisonnable (acharnement thérapeutique), elle propose les directives anticipées, et offre la possibilité de choisir une personne de confiance.

La loi Claeys- Léonetti de 2016 : « accès à toute personne à une fin de vie « digne » et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les personnels de santé mettent tout en œuvre pour que la loi soit respectée. Lorsque la douleur est trop forte, une sédation profonde peut être enclenchée. Il s’agit de provoquer une altération de la conscience du patient, associée à une analgésie et à l’arrêt de tout traitement. Elle est conditionnée à l’incurabilité de la maladie dont le pronostic vital est engagé à court terme, lorsqu’il y a une souffrance réfractaire au traitement ».

Avis du CCNE en 2022 : Le comité consultatif national d’Ethique : rend un avis ouvrant la voie à la possibilité d’une « aide active à mourir ». Il n’est plus question de sédation, mais de donner la mort, ou de la favoriser.

Convention citoyenne de déc. à avril 2022 : organisée par le CCNE, elle comprenait 184 citoyens tirés au sort. Ils avaient à répondre à la question : « le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? » Constat : le cadre n’est pas adapté. La conviction se forge : améliorer l’accompagnement (accès aux soins palliatifs à l’hôpital ou à domicile, meilleure formation des soignants). Mais aussi 75,6% des membres se prononcent en faveur d’une aide active à mourir.

Décision du président Macron : Il confie la charge d’écrire un projet de loi au gouvernement et au Parlement : « un modèle français de la fin de vie »

L’avant-projet (Oct 2023) : un nouveau langage : soins d’accompagnement, soins palliatifs devenant strictement médicaux, organisation territoriale de « maisons d’accompagnement, d’établissements médicaux de proximité, renforcement des directives anticipées. L’aide à mourir s’inscrit dans un « droit à une fin de vie digne ». Le suicide assisté serait reconnu, et l’intervention d’un tiers ( soignant, ou non si incapacité de la personne).
L’avant -projet limite l’accès au plus de 18 ans, aux français, à ceux qui sont capables de manifester leur volonté, qui ont une affection grave incurable (à court ou moyen terme 6 à 12 mois), dont la souffrance est réfractaire ou insupportable.
Seul le médecin peut formuler une demande pour le patient, avec l’avis d’autres professionnels, et dans un délai de plus de deux jours. Son rôle peut s’arrêter à la prescription du produit létal, que peut fournir un pharmacien. Elle peut se poursuivre par l’administration du produit par un soignant si l’auto-administration ne suffit pas. (« secourisme à l’envers »).

3-quelles sont les réactions ?

Prises de position du conseil de l’Ordre des médecins : avril 2023 : « si la loi vient à changer vers une légalisation d’une aide à mourir (euthanasie et / ou suicide assisté), l’ordre des médecins entend faire valoir dès à présent qu’il sera défavorable à la participation d’un médecin à un processus qui mènerait à une euthanasie. Dans l’hypothèse d’une légalisation du suicide assisté : l’Ordre des médecins revendiquerait une clause de conscience spécifique qui garantirait l’indépendance du médecin, est défavorable à la participation active du médecin lors de la prise du produit létal par le patient. »

Position du CNASI (collège national des acteurs en soins infirmiers) « Nous refusons d’être associés à cette loi contraire à nos valeurs de soins, d’accompagnement et nous souhaitons le développement des soins palliatifs et leur accessibilité à tous. »

Les positions de l’Eglise : Les Evêques de France (CEF) ont déclaré : en 2023 à Lourdes : « l’aide active à vivre un engagement de fraternité. » Dans la lettre Samaritanus Bonus de 2020 rédigée par la Congrégation de la doctrine de la foi et approuvée par le Pape François, l’exemple du Bon Samaritain est central. Jésus nous appelle à prendre soin de l’autre, c’est la règle d’or et le primat de nos relations. Elle se fonde sur l’expérience vivante du Christ lui-même, souffrant, mais aussi prenant soin de ceux qui souffrent. Pour l’Eglise la vie humaine est sacrée et elle met en garde contre les obstacles culturels qui obscurcissent la valeur sacrée de la vie( utilitarisme, compassion tordue, individualisme).

Le magistère interdit l’euthanasie et le suicide assisté, exclut l’acharnement thérapeutique, prône les soins palliatifs, l’accompagnement de la vie jusqu’au bout, reconnaît le rôle de la famille, les thérapies analgésiques pour le soulagement de la douleur, la sédation, l’objection de conscience des personnels de santé dans les établissements catholiques, l’accompagnement pastoral et les sacrements. Il encourage la réforme du système éducatif et la formation des personnels de santé (soignants, aumôneries).

Quelles réactions en France chez les citoyens ? Elles sont présentées en italique et entre guillemets.

« Parfois seule l’aide active à mourir par euthanasie ou suicide assisté permet de supprimer toute souffrance,j c’est un progrès que la loi doit nous accorder ».

« La sédation comporte une hypocrisie et un manque de courage car elle provoque la mort mais plus lentement. Le résultat est le même et l’intention importe peu. Ce qui compte c’est l’efficacité. »

Réponse : un manque de nuance dans l’expression, car chaque situation humaine est unique, les profils sont différents, une réponse univoque ne peut répondre à toutes les situations. Si on ne veut pas qu’une personne âgée ou malade demande à mourir, il faut qu’elle soit bien accompagnée socialement (famille, amis, personnels) pour garder le goût de vivre. Les soins palliatifs de qualité sont là pour cela, et ils permettent le soulagement de la douleur et de la souffrance psychique.

« Pratiquer l’aide à mourir, c’est respecter la liberté et l’autonomie de celui qui souffre sans espoir de rémission. »

Réponse : donner la mort pour supprimer la souffrance n’est ni un soin, ni un accompagnement, c’est supprimer une personne souffrante et interrompre toute relation. C’est aussi devenir complice d’un acte interdit jusque-là ; et demander à la société tout entière d’en être complice. Ce n’est pas parce qu’il y a eu déjà des cas d’euthanasie ou d’aide au suicide vécus dans l’illégalité, qu’il faut le légaliser. Donner la mort est interdit. Le choix individuel de ceux qui le réclament engage d’autres personnes qui en porteront la responsabilité.

A propos de la sédation en soins palliatifs : « à quel moment la demander, qui l’exécute ? »
Réponse : Elle est faite par les soignants en accord avec la famille, progressivement, de façon à pouvoir l’arrêter si besoin est. Exemple d’une personne qui l’a arrêtée et est revenu chez elle.

« il est regrettable d’avoir précisé : sédation jusqu’au décès. »

« Se voir diminué est parfois insupportable, indigne. Certains réclament de mourir pour ne plus être un poids pour leurs proches. Accomplir leurs désirs est un acte de fraternité et en tout cas de respect individuel. »

Réponse : comment s’insinue l’idée d’être un poids ? Certaines personnes l’entendent-elles autour d’elles, quel regard sur elles perçoivent-elles ? Comment ne pas le fuir si on leur renvoie une telle idée ? Les parents donnent leur vie pour leurs enfants leur viendraient-ils à l’idée qu’ils sont un poids ? Qu’ils leur coûtent cher ? Si cela arrive, que pense-t-on de ces parents ? Pourquoi le penserait-on vis-à-vis des personnes malades ou âgées ? Ne doit-on pas chacun à notre tour nous occuper des plus vulnérables, en leur montrant notre amour ? Le coût des soins doit-il être évoqué alors que nous gaspillons un argent fou ailleurs ? Pour des biens de consommation, pour ce qui est périssable et secondaire ? Pour notre bien-être, ou notre beauté ?

La notion de dignité est abordée aussi : le fait d’être digne est intrinsèque à la personne humaine. L’animal n’a pas la même dignité, car la personne humaine est créée à l’image de Dieu. Elle a en elle, l’espace spirituel où son Créateur veut se reposer. De là, Il lui propose son aide.
La mort est un sujet dont il faut parler, pour s’y préparer. Les soins palliatifs sont un lieu où certains découvrent la possibilité de le faire.

Quand Jésus se fait rabrouer par Pierre parce qu’il ne peut admettre qu’Il va passer par la souffrance et la mort, Jésus lui répond : « Arrière Satan, tes pensées ne sont pas celles de Dieu ! » La souffrance et la mort font partie de toute vie. Et Jésus ne les a pas esquivées. Car elles sont une voie de Rédemption dans l’Amour et la fraternité. Voilà la vraie compassion : Je souffre avec vous.

Le fait de proposer le choix d’une aide active à mourir aux personnes en fin de vie, accentuerait leur mal être et enfoncerait un peu plus notre Humanité dans l’individualisme mortifère.

Le mot de la fin est une parole de Philippe Pozzo di Borgio, grand paralysé à la suite d’un accident :
« Ne poussez pas les plus fragiles et ceux qui les entourent, à la désespérance, à l’auto-exclusion, au suicide ou à l’euthanasie. Protégez-les d’une prétendue « liberté de mourir » qui les presserait de quitter notre société. Réaffirmez le droit de chacun d’être aidé à vivre, et jamais à mourir. Alors la société que nous construisons ensemble sera plus humaine. »